Introduction
Il y a des moments où un pays doit regarder la vérité en face.
Les Accords Unilatéraux III ne sont pas un dossier technique ni une simple évolution administrative : ils représentent la plus grande abdication juridique de l’histoire suisse. Pour la première fois, la Confédération accepterait de reprendre automatiquement du droit étranger, d’en subir l’interprétation par une juridiction qui n’est pas la sienne, et de conditionner sa politique intérieure aux décisions d’un bloc dont elle ne fait pas partie.
Dans ce contexte, les prises de position de Denis Pittet, président de la Fondation Genève Place Financière, ancien cadre dirigeant de Lombard Odier et figure reconnue de la haute finance genevoise, ne relèvent pas du hasard : elles s’inscrivent dans la ligne d’une partie de la place financière qui croit — à tort — que l’intégration réglementaire européenne garantirait la stabilité de ses activités. Il faut donc démonter, point par point, cette vision à la fois juridiquement fausse, économiquement risquée et politiquement dangereuse.
1. “Les Bilatérales III s’inscrivent dans la continuité d’un partenariat stratégique amorcé en 1999.”
C’est faux, et Denis Pittet le sait.
Les accords de 1999 reposaient sur trois piliers intangibles :
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pas de reprise dynamique du droit,
-
pas de juridiction européenne,
-
pas d’intégration institutionnelle.
Les Accords Unilatéraux III introduisent au contraire :
-
la reprise obligatoire du droit européen et ses évolutions,
-
un arbitrage dépendant de l’interprétation de la CJUE,
-
un mécanisme de mise à jour automatique.
Comme le rappelait Hans-Rudolf Merz :
« L’acquis européen est un engrenage : une fois dedans, il n’existe plus de sortie. »
Pittet présente une rupture historique comme une continuité rassurante. C’est trompeur.
2. “Renforcer les liens avec l’UE est une nécessité géopolitique.”
Pittet confond deux réalités :
→ coopération économique
→ intégration juridique
Personne ne conteste l’importance de l’UE comme partenaire commercial.
Mais la prospérité suisse ne repose pas sur la soumission normative — elle repose sur notre différenciation.
L’accord réellement stratégique reste :
→ l’Accord de libre-échange de 1972, approuvé par le peuple.
Aucune nécessité de reprendre des milliers de pages de droit européen pour commercer.
3. “Ce n’est pas une adhésion à l’UE.”
Techniquement vrai. Politiquement mensonger.
Les Accords Unilatéraux III sont une adhésion fonctionnelle sans droits politiques :
-
nous reprenons les normes,
-
nous subissons la jurisprudence,
-
nous appliquons les sanctions,
-
sans siège, sans voix, sans veto.
Comme le souligne le professeur Daniel Thürer :
« L’intégration sans représentation est plus périlleuse qu’une adhésion formelle. »
Nous sommes exactement dans ce cas.
4. “Il n’y a pas d’alignement automatique.”
Faux.
Le mécanisme prévoit précisément :
-
des adaptations obligatoires,
-
des mesures de rétorsion en cas de refus,
-
un arbitrage qui doit se conformer à la logique de la CJUE.
Autrement dit :
→ l’alignement est automatique dans les faits.
5. “Le tribunal arbitral sera paritaire.”
Seulement en apparence.
Dans tout litige impliquant du droit européen, l’arbitrage devra s’en remettre à l’interprétation…
→ de la CJUE.
Conclusion :
-
arbitrage paritaire dans la forme,
-
subordination unilatérale dans la substance.
6. “Les accords sont indispensables pour accéder au marché européen.”
C’est factuellement faux.
Points essentiels :
-
l’accès est garanti par l’Accord de libre-échange de 1972, toujours valable,
-
la Suisse exporte plus vers l’UE qu’elle n’en importe,
-
80 % des exportations n’ont besoin d’aucune reprise dynamique.
Et pour la finance — le domaine de Denis Pittet :
Le secteur financier n’est même pas inclus dans les Accords Unilatéraux III.
L’idée de délocalisations massives est un fantasme politique, pas une réalité économique.
7. “Il faut maintenir la proportionnalité réglementaire.”
Mais c’est précisément ce que l’UE ne peut pas offrir.
Le droit européen est :
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massif,
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centralisé,
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standardisé,
-
conçu pour 450 millions d’habitants.
La Suisse repose sur :
-
la proportionnalité,
-
des modèles d’affaires variés,
-
la démocratie directe,
-
la flexibilité.
Importer la régulation européenne revient à détruire ce qui fait la force de Genève, Zurich et Lugano.
8. “La Suisse doit rester compétitive face à Dubaï et Singapour.”
Exact.
Mais la réponse ne peut pas être : plus de droit européen.
La seule stratégie cohérente est :
→ souveraineté financière,
→ neutralité,
→ régime autonome de sanctions,
→ stabilité interne.
Comme le disait Ludwig von Mises :
« Un pays ne demeure stable que s’il maîtrise ses propres lois. »
Conclusion — Les Accords Unilatéraux III sont une faute stratégique historique
Denis Pittet défend une vision rassurante, mais erronée : celle que la stabilité viendrait de Bruxelles.
La réalité est inverse :
→ la stabilité suisse est le fruit de notre indépendance, pas de notre alignement.
Les Accords Unilatéraux III ne sont ni bilatéraux ni stratégiques :
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ce sont des accords de subordination,
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une absorption réglementaire progressive,
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une perte de souveraineté sans mandat populaire.
La Suisse n’a jamais grandi en s’alignant.
Elle a prospéré en s’affirmant.
Il est temps de le rappeler.