Accords Suisse–UE : l’architecture silencieuse d’une tutelle – ce que révèle Paul Richli

1. Un avertissement venu du cœur du droit constitutionnel suisse

Les propos de Paul Richli n’ont rien d’une analyse politique.

C’est une alerte juridique majeure, lancée par l’un des derniers constitutionnalistes suisses de premier plan.

Et l’avertissement est limpide : les nouveaux accords Suisse–UE ne sont pas des accords techniques — ce sont des accords de transformation.

Richli ne décrit pas une simple évolution, mais une mutation du système politique suisse.

2. Un transfert de souveraineté sans le dire : la fin du législatif suisse

Richli pointe la clé du mécanisme : sous ces accords,

« Le pouvoir législatif du Parlement se réduirait à un droit de veto. »

Or un veto exercé sous la menace de sanctions, c’est un veto fictif.

C’est du droit sous contrainte — donc du non-droit.

L’UE introduit ici un système où ne pas obéir coûte plus cher qu’obéir, ce qui transforme mécaniquement le Parlement et, par ricochet, le peuple souverain, en organe d’approbation automatique.

3. Le piège parfait : la création d’un cartel anti-référendum

Richli met en lumière un effet psychologique et systémique que personne, dans les éditoriaux enthousiastes pro-UE, ne mentionne :

« Cela pourrait créer un cartel contre tout référendum : personne ne voudra risquer d’être touché par les mesures compensatoires. »

C’est là que la démocratie directe se délite.

Ce n’est pas Bruxelles qui interdit le référendum :

c’est le risque individuel, sectoriel, économique, qui pétrifie le débat public.

Une stratégie d’ingénierie juridique brillante :

Créer un système où le peuple n’ose plus voter librement, même si le droit formel lui reste.

4. L’extension du domaine de la contrainte européenne

Richli ajoute que les domaines soumis à la reprise obligatoire du droit européen vont exploser :

  • Électricité

  • Sécurité alimentaire

  • Normes techniques multiples

Et il pointe une contradiction monumentale :

Les partis qui réclament des réglementations plus strictes pour protéger la santé ou l’environnement vont perdre ce droit, car :

« Il ne sera plus possible d’avoir des règles plus strictes que celles de l’UE. »

Autrement dit :

La Suisse renonce à son principe de précaution, à sa culture réglementaire, à son autonomie normative.

5. Le Conseil fédéral : une légèreté coupable

Richli est d’une sévérité rare :

« Le Conseil fédéral a accordé beaucoup trop peu d’importance à ces traités […] on voit qu’il n’y a plus de juriste au Conseil fédéral. »

Ce constat est explosif.

Il implique que la gardienne de la Constitution — l’exécutif — a failli.

Une critique institutionnelle presque inédite depuis les années 1990.

6. La citation forte qui résume tout

Voici la phrase qui traverse toute l’interview :

« Ces accords vont changer la Suisse. »

— Paul Richli, NZZ am Sonntag, 16.11.2025

C’est l’équivalent juridique d’un signal d’alarme national.

Conclusion – La Suisse n’est pas menacée par l’UE : elle est menacée par sa propre naïveté

Les propos de Paul Richli ne condamnent pas Bruxelles ;

ils condamnent notre imprévoyance.

La question n’est plus :

« Quels avantages aurons-nous ? »

Mais bien :

« Combien de souveraineté sommes-nous prêts à sacrifier sans même appeler cela une adhésion ? »

Ces « Accords Bilatéraux III » sont en réalité des Accords Unilatéraux III :

adoption automatique, sanctions en cas de refus, contraintes structurelles, extirpation progressive de la démocratie directe.

La Suisse n’est pas absorbée par un empire.

Elle s’abandonne elle-même — par confort politique, par paresse intellectuelle, par renoncement.

Et c’est précisément pour éviter cela que la vigilance souverainiste n’est pas un luxe : c’est une nécessité constitutionnelle.